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Annulation du refus de titularisation d’un professeur : inexactitudes et erreurs d’appréciation de l’inspecteur et du jury académique

Par un arret du 17 juillet 2020 n° 8NT02244, la cour administrative d’appel de Nantes a pu annuler la décision de refus de titularisation d’un professeur stagiaire prononcée après que le jury académique ait émis un avis défaborable à la titularisation et au renouvellement du stage.

Si le juge procède, comme à son habitude en la matière au contrôle de l’exactitude materielle des faits et à celui de l’erreur manifeste d’appréciation, c’est la manière dont celui-ci apprécie concretement les pièces du dossier qui interesse.

 

Pour rappel, le professeur stagiaire, durant sa période probatoire fait l’objet d’une évaluation continue, faisant intervenirs plusieurs acteurs : chef d’établissement, tuteur, directeur de l’INSPE, inspecteur. Et c’est en l’espèce au contrôle minutieux du contenu et de la cohérence des rapports établis par ces differents acteurs que la CAA de Nantes s’est ici livrée.

En l’espèce, pour refuser un renouvellement de stage, le jury académique s’était appuyé sur l’avis défavorable du chef d’établissement ainsi que sur celui de l’inspectrice académique, considérant qu’il n’existait aucune marge de progres envisageable pour cet agent.

Précisement, l’inspectrice avait relevée qu’au cours de la visite d’inspection elle avait constaté un nombre important d'exclusions des cours de plusieurs élèves prononcées par l’enseignant , « impliquant, selon elle, la nécessité pour ce dernier d'engager une réflexion avec les membres de la communauté éducative sur le suivi des élèves. Elle lui reprochait en outre une prise en compte insuffisante de la diversité des élèves, son manque de clarté dans ses explications et dans la progression des activités proposées et enfin une utilisation insuffisante des outils numériques. Elle soulignait qu'il était capable de prendre du recul sur son enseignement et de remettre en cause sa pratique mais restait " au niveau des constats ". Selon elle, plusieurs compétences du métier d'enseignant n'étaient pas suffisamment maitrisées par M. C. »

De son cote le chef d’établissement confirmait cette analyse, ajoutant que le professeur stagiaire n'avait pas participé aux réunions des instances du lycée, que les exclusions de cours qu'il avait prononcées n'avaient donné lieu à aucun travail avec le conseiller principal d'éducation et traduisaient une difficulté à asseoir son autorité et à instaurer un climat serein et de confiance dans sa classe ».

Toutefois, et c’est important, le chef d’établissement indiquait que son appréciation était basée sur les seules observations du 1er trimestre, (étant indisponible pour raison de santé ensuite) et les échanges, non produits, de son remplacant, ce qui vient donc limiter sensiblement la pertinence de l’avis.

A l’inverse, le professeur stagiaire a pu mettre en cause, tant la materialité des faits reproché que l’erreur d’appréciation, en mettant en avant les rapports de son tuteur, de son évaluateur de l’ESPE, les témoignages de ses collègues, pour obtenir l’annulation de la décision contestée.

 

Le tuteur de stage, qui a pris a cœur sa tache en organisant des entretiens réguliers avec le professeur stagiaire souligne les qualités de ce dernier dans deux rapports :

 

Le premier souligne que « l'intéressé prépare ses cours dans le respect des programmes officiels et selon un axe de progression réfléchi. (…) il prend en compte les conseils qu'on lui donne, notamment pour donner plus de rythme à ses cours tout en appréhendant l'hétérogénéité de ses élèves ».

Si le tuteur prend soin de relever les difficultés des éleves de la classe confiée en soulignant « le risque de décrochage des élèves de sa classe qui présentent, pour certains, des difficultés comportementales », il prend soin de rappeler que l’enseignant en a pris conscience et est bien intégré à l’équipe pédagagogique.

Dans le second et rapport final, le tuteur confirme que le professeur « s'est investi sérieusement et avec responsabilité dans sa formation, a pris conscience des problèmes de sa classe notamment en terme d'hétérogénéité, a rapidement pris à coeur d'interroger sa pratique pour susciter l'intérêt de ses élèves, et a appris " avec le temps " à évaluer ses élèves. Il s'est montré à l'écoute des conseils prodigués et " adopte toujours un positionnement d'adulte responsable tant au sein de la classe que de l'établissement ". Il souligne son respect des élèves et sa volonté de contribuer à leur réussite. Il conclut que l'intéressé " a su tirer pleinement profit de cette année de formation pour nourrir sa réflexion sur un métier exigeant.

De son coté, le responsable de l'école supérieure du professorat et de l'éducation confirme, que l’enseignant stagiaire est en cours d'acquisition d'un niveau satisfaisant de compétences, qu'il tire profit de la formation et poursuit sa réflexion didactique et pédagogique.

 

Plusieurs témoignages de collègues attestent de son  intégration à l'équipe pédagogique, de sa participation à au moins deux conseils pédagogiques, à un conseil d'administration, à une réunion parents-professeurs et à des conseils de classe.

En outre, le requérant a fait utilement valoir que l'inspectrice avait elle-même constaté que les élèves exploitaient la courbe obtenue lors d'une expérimentation avec ExAO réalisée lors de la séance précédente, ce qui démentait son affirmation selon laquelle il ne maîtrisait pas les techniques du numérique et ne les utilisait pas en classe.


Le  contexte difficile de la classe tenue par l’enseignant a été établi par les pièces du dossier. Le juge regrette qu’il n’en ai pas été tenu compte dans son évaluation et que de surcroit, cette situation, qui était partagé par d’autres collègues, avait pu conduire d’autres enseignants de l’établissement à procéder à des exclusions de cours de certains élèves.

 

Ainsi, « au vu de l'ensemble de ces éléments », le juge administratif a considéré que  le requérant était « fondé à soutenir que la décision du 29 juin 2017 du recteur de l'académie de Nantes repose sur des faits matériellement inexacts et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. »

 

Il ressort de cet arret que c’est bien à une appréciation globale et concrete de la situation que le juge se livre à l’examen de la période probatoire d’un enseignant. Aucun avis, ou témoignage n’est superflu. La collecte de témoignages peut se révéler importante pour la contestation d’élements materiels. De même l’accompagnement opéré par le tuteur et le contenu de ses rapports, révèle ici toute sa portée, laquelle peut etre décisive. Ainsi, quand bien même les rapports des inspecteurs d’académie disposent d’une certaine autorité, le juge administratif rappelle sans ambiguité, qu’ils ne sont qu’un élement parmi d’autres pris en compte pour apprécier l’aptitude professionnelle d’un enseignant en periode probatoire.

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